i42             MEMOIRES DEPIERRE DF L'ESTOILE.
fort les zélés, pour ce que c'estoit celle mesme du Roy; et ayant esté rapportée au duc de Maienne, il dit que s'il ne lui amendoit bien tost, qu'il estoit d'avis qu'on lui fist prendre des pilures comme aux autres.
Le mardi 16 avril, derniere feste de Pasques, bruit estoit par tout Paris qu'on alloit donner secours à Char­tres. M. de Belin dit qu'il se trouveroit mil chevaux à Dreux le lendemain, pour la nuit du jeudi y faire un effort. Le dit de Belin sçavoit bien le contraire : mais il faloit amuser le peuple. Liaces tre, curé de Saint-Gervais, eschauffé de ceste bonne nouvelle, monta en chaire à dix heures du soir, et n'en descendist qumi­nuit , endormant ses paroissiens de ces bonnes nouvelles.
Le mecredi 17 avril 1591, on fist force processions à Paris pour prier Dieu de bénir ce secours imaginaire, que les politiques apeloient amusebadaus. Et le lende­main, qui-estoit le jeudi 18 avril, fust faite une pro­cession de tous les petits enfans de Paris, tant garsons que filles, que je vis passer chez Marc Orri en la rue des Lombars, au Soleil d'or; et en contai cinq mil soixante et quatorze. Il y en eust un avec moi qui en conta cinq mil cent deux, et unautre cinq mil soixante : estant malaisé, pour la confusion qui s'y mettoit quel­quefois pour ne garder pas leurs rênes, qui estoient ordonnés de deux à deux, de les conter au juste.
Toutefois je m'asseure qu'à un cent près ou environ, le comte susdit est bon, qui estoit un grand nombre, eu esgard au temps, et à la ville presque déserte.
Et peult-on dire avec verité qu'il n'i a eu sorte aucune ni espece de devotion, quelle qu'elle puisse estre, qui n'ait esté employée et prattique© par ceux de Paris pour la delivrance de ceste bonne ville de Chartres : et que
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